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L A MORT DE STAMBOUL
«
mangerics » de ses officiers. Mais le joug du Kha–
life, du pape musulman, était bien plus pesant
encore. Dans les terres du Sultan-Khalife, les sujets
étaient partagés en deux classes et comme en deux
étages : au bas, les chrétiens, les
raïas,
qui n'avaient
de droits qu'à la souffrance, troupeau de taillables,
de corvéables, de tuables à merci; au-dessus, les
fidèles du Prophète, associés plutôt que sujets du
Turc, et usufruitiers avec l u i de tous les biens et de
tous les êtres. Entre les deux, la guerre sainte, même
en paix déclarée, se poursuivait par les incursions
quotidiennes de l'Islam au foyer du
raïa,
par les
rapts d'enfants et de femmes, les confiscations de
terres et de fortunes, les extorsions et dénis de
justice, tout ce que l'on confondait sous le nom
d ' « avanies ».
Après trois cents ans de ce régime, la plupart des
villes dans le pays grec s'étaient faites musulmanes
pour profiter un peu des douceurs de la vie, et les
campagnes suivaient l'exemple : chaque année, des
centaines de paysans étaient poussés à la mosquée
par le besoin de manger leur pain, de boire leur.vin,
de conserver leurs femmes, leurs filles, leurs trou–
peaux et leurs terres, par le désir aussi d'avoir le
pacha
et
Vaga,
le fonctionnaire et le propriétaire
moins avides, la dîme et la corvée moins lourdes,
un semblant de_ justice au tribunal du cadi, et le
droit de porter les armes, de satisfaire leurs ven–
dettas.
Depuis le commencement du
X V I I I
0
siècle, les
moines du mont Athos, en leurs tournées de quêtes
annuelles, avaient beau promettre au peuple
roumi
l'arrivée prochaine des libérateurs, le triomphe du
Fonds A.R.A.M