L ' U N I O N B A L K A N I Q U E
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aux Balkaniques eux-mêmes. Les uns et les autres
n'ont été que des instruments ou des témoins en l'un
de ces grands ouvrages de l'histoire où l'humanité
d'autrefois voulait retrouver la main des dieux
vengeurs, où nos orateurs, hier encore, cherchaient
les retours de cette « justice immanente, qui vient
à son j ou r et à son heure » : on y discerne, sans
trop de peine, quand on y veut regarder de près,
le jeu normal des causes les plus naturelles, le
simple effet des nécessités vitales.
Les deux fondateurs de l'union balkanique, les
deux vainqueurs de l'empire ottoman sont la Crète
et la Macédoine. Sans la Crète, jamais Grecs et
Bulgares, sans la Macédoine jamais Bulgares,
Serbes et Monténégrins, sans la Crète et la Macé–
doine jamais tous les peuples balkaniques ne se
seraient contraints à déposer leurs haines et à
marcher d'un seul cœu r à la guerre libératrice.
Pour le Bulgare et le Grec surtout, la Macédoine
et la Crète étaient devenues, au sens propre du
terme, questions de vie ou de mort : ils ne pouvaient
plus vivre, l'un et l'autre, — et i l faut prendre ce
mot au pied de la lettre, — ils ne pouvaient plus
prolonger l'existence de leurs gouvernements et de
leurs peuples avec la Macédoine et la Crète que,
Jeune ou Vieux, le Turc leur faisait. S'unir pour
obliger la Porte à régler ces deux affaires et, de cette
union, tirer leur propre salut; ou s'entêter dans la
haine héréditaire à seule fin de permettre aux Turcs
l'éternel renvoi de ce règlement et de se rendre à
eux-mêmes la vie plus précaire de jour en jour : les
gens d'Athènes et de Sofia étaient devant l'alter–
native, et ils ne pouvaient plus reculer.
Fonds A.R.A.M