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L A M O R T D E
S T A M B O U L
un rêveur, aux yeux des Grecs, un traître, un
«
vendu », un « cornu », dès qu'on voulut voir dans
tous les Balkaniques des frères égaux en droits et
dans leur coalition le seul remède aux massacres
hamidiens, aux atermoiements de l'Europe, à la com–
plicité austro-russe. En cette année 1903, où les Bul–
gares de Macédoine, par leur insurrection et leurs
bombes, arrachaient des promesses de réformes au
Sultan et à l'Europe, les Grecs allaient offrir à Stam–
boul leurs services et presque leur alliance.
Les comités et les bandes bulgares se vengèrent
en Macédoine sur les villages patriarchistes. Les
bandes grecques ripostèrent sur le dos des exar-
chistes.
De 1904 à 1906, les
comiladjis
des deux propa–
gandes furent occupés moins à la guerre contre
le Turc qu'à un échange d'horribles vendettas.
Puis, les
comitadjis
bulgares transportèrent leurs
exploits en Roumélie orientale, où, sous le drapeau
bulgare, nombre de villages étaient restés grecs
de langue et d'aspirations, où nombre de villes
étaient peuplées au tiers, à la moitié, de « gréco-
phones », de sujets helléniques ou bulgares, qu i
ne parlaient guère que le grec. Du 17 juillet au
15
août 1906, les quartiers grecs, les églises et les
écoles grecques, les lycées et les hôpitaux grecs de
Varna, de Bourgas et de Philippopoli, les villes
grecques de Sténimachos et d'Anchialos, et les
villages grecs de leurs banlieues furent mis à sac.
Par centaines, ces Grecs de Bulgarie furent massa–
crés. Par milliers, ils durent se réfugier à Constan-
tinople, au Pirée, dans le royaume grec. Le gouver–
nement d'Athènes eut à les nourrir durant de longs
Fonds A.R.A.M