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L A M O R T D E
S T A M B O U L
sous la Turquie des Jeunes, ce parfait connaisseur
retrouvait aisément la Turquie des Vieux, la sienne...
Le drapeau serbe planté déjà sur le
turbé
de
Sultan Mourad à Kossovo, demain le drapeau bul–
gare sur les mosquées de Sultan Sélim et de Sultan
Bayézid à Andrinople, a p r è s - d ema i n le drapeau
balkanique ou russe sur Sainte-Sophie peut-être,
sur les cent minarets de Stamboul ; l'Europe n'ayant
rien deviné, rien emp ê c h é ; dans le monde entier,
pas une main tendue vers la Turquie blessée à mort;
L u i , même Lu i , drapé pour une fois dans le silence,
L u i , le grand Ami de Berlin, qu'au tombeau de
Saladin et devant les flots de Tanger, on avait
entendu jurer un éternel dévoûmen t à l'Islam : i l
semblait que d'avance, aux temps de son pouvoir,
Abd-ul-Hamid, méditant pour lui-même tous les
sujets de crainte, eût aussi pour son empire ima–
giné, redouté tout cela, pis encore.
Mais à tous les détails nouveaux qui précisaient
le désastre, une seule question, toujours la même ,
l u i revenait aux lèvres
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«
Comment
ont-Ils
laissé
les Grecs et les Bulgares s'entendre? » L'union bal–
kanique, l'entente gréco-bulgare dépassait toutes
ses peurs : c'était pour lui le seul imprévu, le
miracle.
Pour bien d'autres qu'Abd-ul-Hamid, cette entente
avait été la surprise. La haine gréco-bulgare sem–
blait être, depuis douze siècles, l'élément le plus
stable de la vie balkanique. Elle avait précédé de huit
Fonds A.R.A.M