L A CRÈTE ET L E K H A L I E A T
145
Le Pirée compte supplanter un j ou r tous les autres
embarcadères de passagers européens vers l'Egypte,
vers le Canal, vers les Indes, vers l'Extrême-Orient :
il veut être le dernier quai de l'Europe en face de
l'Asie. Déjà, la ligne Pirée-Larissa, qui traverse
toute la Grèce continentale, est achevée; i l suffirait
de quelques millions de francs et de deux années de
travail pour la raccorder, par-dessus la frontière
thessalienne, aux rails de Salonique : d'Ostende au
Pirée, de Hambourg au Pirée, de Pé t e r s bou r g au
Pirée, toutes les diagonales nord-sud du continent
européen amèneraient alors un trafic décuplé... I l
ne manque que l'autorisation des Turcs à ce raccor–
dement : depuis dix années, ils la promettent; mais
chaque fois que se rouvre la querelle au sujet de la
Crète, ils la refusent.
Aussi, dans les
pronunciamientos,
les commerçants
et les « corporations » d'Athènes sont les alliés des
officiers : la Ligue militaire, quand, de force, elle
veut tourner tout l'effort du gouvernement vers la
réfection de l'armure nationale, a pour elle les gens
d'affaires ; ils en arrivent, eux aussi, à ne plus espérer
que d'une coalition balkanique, la réorganisation
ou le partage de la Turquie d'Europe, qui leur don–
nera ce chemin de fer Saloniquc-Pirée dont ils atten–
dent le seul remède à la crise économique...
Or à peine annonce-t-on d'Athènes qu'une Assem–
blée nationale sera élue au mois d'août, réunie en
octobre, que, huit mois d'avance, la Porte proteste
contre l'admission en cette Assemblée grecque de
députés crétois, et la Chambre ottomane, qui vote cent
quinze millions pour le programme naval, autorise
le gouvernement à garantir tout achat de navires de
LA MORT DE S T A M B O U L .
40
Fonds A.R.A.M