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L A MORT DE STAMBOUL
lions d'exportations seulement. C'est l'argent d'Amé–
rique qui permettait aux familles des émigrés de
vivre moins à la dure, surtout d'acheter les terres
des musulmans qu i , eux, émigraient vers les pro–
vinces du Khalife, sans esprit de retour. Mais,
revenus au pays, nombre d' « Américains » s'indi–
gnaient des conditions défavorables, — de la « sau–
vagerie », disaient-ils, — où 1' « hybride et transi–
toire » autonomie maintenait leurs héritages et leurs
frères. Après deux ou trois années de séjour dans la
populeuse Amé r i que , ils sentaient mieux encore
que, dispersée sur 8700 kilomètres carrés (notre
déparlement de l'Avcyron), leur population de 300 ou
330000
âmes (la population de notre département de
FOrne) ne pouvait pas supporter les frais généraux
d'un Etat moderne : vouloir construire un Etat séparé,
un Etat civilisé, sur un budget de 5 600 000 francs,
de 1 200 000 dollars, leur semblait une dérision.
Beaucoup de ces « Américains », dégoûtés de la vie
«
sauvage », découragés par l'attente de cette union
qui, toujours promise, ne venait jamais, reprenaient
le chemin de New-York et ne revenaient plus : de
1900
à 1909, on comptait que 10 ou 11 000 Crétois
avaient définitivement quitté l'île, 3 000 musulmans,
7
ou 8 000 chrétiens... Ainsi l'autonomie prolongée
enlevait à la Crète ses jeunes hommes les plus éner–
giques et les plus intelligents, et ceux qui restaient
se persuadaient chaque jour davantage que, l'auto–
nomie vouant l'île à la pauvreté et la pauvreté les
vouant eux-mêmes à la barbarie, l'union seulement
les élèverait à l'état d'hommes, de civilisés, d'Hel–
lènes...
On leur conseillait d'attendre encore dans l'intérêt
Fonds A.R.A.M