124
L A MORT DE STAMBOUL
Ils avaient un billet de l'Europe arrivé à é ché anc e ;
ils en exigeaient le paiement immédiat, avant que
cette cauteleuse Europe ne souscrivît aux Turcs un
autre « règlement définitif » : « union », disaient
les Cretois; « autonomie sous la souveraineté et la
garde ottomanes », répondaient les Turcs; entre les
deux, voici que l'Europe semblait hésiter.
Mille autres raisons légitimaient leur hâte aux
yeux des Cretois. Leurs politiciens se sentaient à
l'étroit dans les petites querelles de leur Assemblée,
dans les petites affaires de leur Commission execu–
tive : ils voulaient d'un théâlre plus vaste où déployer
leurs réelles qualités d'hommes d'État. Les fanati–
ques et les accapareurs de biens escomptaient dans
l'union la dernière revanche sur l'Islam et la belle
opération financière, qui suivrait l'exode en masse
des musulmans : l'achat de leurs biens à v i l prix. Le
peuple entier était las de poursuivre depuis dix ans
le recouvrement de cette créance sur l'Europe; i l
s'était, depuis dix ans, endetté et usé à cette pour–
suite; i l en voulait brusquer le solde pour s'adonner
enfin à des besognes mieux payantes; i l avait mis
son point d'honneur à forcer la main des puissances
et i l n'en voulait pas démordre.
Mais surtout, i l n'était pas un Cretois qui n'atten–
dît de cette bienheureuse union des profits de toute-
sorte, une rénovation économique de l'île en–
tière *.
Dix ans d'autonomie avaient déjà transformé le
commerce crétois; depuis 1901 surtout, i l s'était
1.
Cf. J.-A. Heinach,
La Question Cretoise vue de Crète,
Paris,
Geuthner, 1910.
Fonds A.R.A.M