LA CRÈTE ET L E K H A L I F A T
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En cette crise ottomane d'avril 1909, les Cretois
et les gens d'Athènes avaient cru voir aussi l'occa–
sion de « régler le problème » à leur guise : ils
avaient négocié de toutes mains pour obtenir
l'union... Rentrés en possession de Constantinople
(25
avril), on comprend que les Jeunes-Turcs fussent
désormais sans tendresse pour l'hellénisme : à leurs
yeux, le Grec n'était pas seulement l'ennemi du
dehors, qui ameutait l'opinion de l'Europe libérale
contre la Turquie nouvelle : c'était encore l'ennemi
du dedans, l'adversaire politique, le suppôt de
l'Union
libérale,
dont ils avaient tout à craindre pour la
durée de leur propre pouvoir. Quand ils endossaient
les réclamations de l'islam crétois, ils songeaient à
l'intégrité de l'empire, aux devoirs du Khalifat, mais
aussi à leurs propres rancunes et, plus encore, au
grand besoin qu'ils avaient désormais de l'indul–
gence de l'Islam : la persécution de la Crète allait
devenir leur holocauste quotidien au sentiment
islamique, qu'ils voulaient à tout prix se récon–
cilier.
Car ils avaient osé, cette fois, porter la main sur
le Khalife, détrôner Abd-ul-Hamid, le reléguer à
Salonique, installer à sa place son frère Mahomet V ,
un bon vieillard, mais un fantôme, pour lequel ils
oubliaient eux-mêmes d'avoir le moindre respect;
moins que jamais, ils pouvaient se donner l'appa–
rence de trahir l'Islam... Avec leurs musulmans
albanais, qui gardaient le regret du régime hami-
dien, c'était déjà la brouille : i l fallait d'autant plus
ménage r les sentiments et les susceptibilités de tous
les autres, des Arabes surtout; on disait que l'homme
de confiance d'Abd-ul-Hamid, celui qui, depuis les
Fonds A.R.A.M