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L A MORT DE STAMBOUL
L'illusion avait été courte. Les Jeunes-Turcs
avaient entrepris de gouverner par eux-mêmes,
pour leur propre domination, pour leur peuple turc.
Ils avaient accordé à leurs sujets de toute langue une
part dans les bénéfices du pouvoir, mais une part
restreinte, avec des libertés et des honneurs plus
restreints encore. Les Grecs avaient été d'abord des
mieux traités : l'un d'eux était devenu ministre de
l'Agriculture. Puis, l'indépendance bulgare amenant
des négociations pénibles entre Sofia et Stamboul,
la Porte avait affecté de grands égards envers le
Patriarcat comme envers le gouvernement d'Athènes,
qui, d'ailleurs, les l u i rendait courtoisement : dès le
début de l'incident turco bulgare (17 septembre), on
avait annoncé la prochaine visite du roi Georges au
Sultan.
En octobre 1908, la proclamation de l'union
Cretoise n'avait pas rompu cet accord : le gouverne–
ment d'Athènes avait décliné toute participation
à cet acte des seuls Cretois; par la bouche de ses
représentants à Stamboul et en Europe, i l avait
remontré avec raison que fout s'était accompli
soudain, en sa complète ignorance, en l'absence de
son Haut-Commissaire; personne en Grèce n'avait
pu prévoir cette brusque conséquence de l'annexion
bosniaque et de l'indépendance bulgare, double
éléments les plus considérables de l'État, les plus répandus sur
des portions étendues et très diverses du territoire, leur désunion
peut avoir, plus que tout autre, une influence funeste sur
l'avenir de l'Empire ottoman. Les périls communs sont mani–
festes. La révolution turque s'est faite à la fois contre le despo–
tisme intérieur et contre les convoitises extérieures. Klle peut et
doit barrer la route aux ambitions panslayistes et aux appétits
austro-germaniques. »
Fonds A.R.A.M