LA C B È T é ET L E K H A L I F A T
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donia risorta
à Salonique, devenait à Stamboul
cheikh-ul-islam, bras droit du Khalife, quelque
chose comme cardinal-vicaire de la papauté musul–
mane. Les Jeunes-Turcs en avaient conclu que tout
l'Islam, aussi délibérément, allait se mettre à leur
suite...
En avril-mai 1909, revenus au pouvoir, ils consta–
taient qu'à tout prendre, les conditions fondamen–
tales de la politique ottomane restaient ce qu'elles
avaient été dix mois, dix ans, deux siècles aupara–
vant. Entre l'Islam qu'elle voulait continuer de
dominer et l'Europe qu'elle devait toujours imiter
pour vivre, la Jeune Turquie, tout comme la Vieille,
demeurait exposée au double péril d'un soulèvement
islamique et d'un débordement européen. Elle avait
les mêmes problèmes à résoudre. Mais peut-être
n'avait-elle plus le même loisir d'en chercher et d'en
trouver la solution.
Quand le télégraphe, les chemins de fer et les
bateaux rapides n'avaient pas encore mêlé la vie
quotidienne de l'Islam à celle de la chrétienté, i l y
avait place, entre deux, pour une Turquie somno–
lente ou médiocrement empressée : d'années en
années, d'un siècle à l'autre, le Turc pouvait remettre
son choix décisif et sa transformation radicale.
Désormais, ce n'était plus d'années, ni même de
saisons, c'était de mois seulement, de jours peut-
être que les Jeunes-Turcs disposaient, et chaque
jour différé risquait de rendre leurs forces plus iné–
gales au grand effort qui leur permettrait de sauver
leur empire.
Ils sentaient que l'avenir tout proche leur réser–
vait de rudes joutes, aussi bien contre l'Islam que
Fonds A.R.A.M