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L A MORT DE STAMBOUL
que tous, plus ou moins volontiers, ils admissent,
les ordres du Khalife — ; s'offrir toujours, non
pas en dompteurs, mais en tuteurs de l'Islam et
présenter les réformes, non comme un triomphe de
l'Europe sur les Croyants, mais comme une conquête
et presque un vol de l'Islam aux Infidèles : telle
avait été la politique des Vieux-Turcs; par elle seu–
lement, ils avaient sauvegardé l'alliance du Sultanat
et du Khalifat... En juillet 1908, les Jeunes-Turcs,
avec leurs camées d'Auguste Comte à la cravate,
avaient affiché leur résolution de conduire l'Islam,
sinon par d'autres moyens, du moins à une autre
allure et d'une main plus ferme...
On a dit que leur fanatisme d'athées, leur anticlé–
ricalisme de francs-maçons et leur « naïveté » de posi–
tivistes les avaient aveuglés sur leurs devoirs envers
la religion et sur la conduite à tenir envers les gens
de mosquée. Le reproche ne me semble pas fondé.
Je crois qu'en arrivant au pouvoir, en juillet 1908,
la majorité d'entre eux partageait les idées d'Ahmed-
Riza, leur chef, et admettait les principes formulés
dans son livre
La Crise de l'Orient.
Ils n'avaient ni
la haine n i le mépris de la religion musulmane :
L'islamisme, (lisait Abmed-Riza, fait horreur à tous ceux
qui se piquent d'être des libres penseurs; [on me reprochera
peut-être de lui avoir accordé trop de place en cette étude
politique]: le reproche que je me fais, c'est, au contraire, de
n'avoir pas donne un aperçu plus général de la doctrine
de Mahomet; car vraie ou erronée, elle forme la base de
toute société musulmane; bonne ou mauvaise, elle est l'uni–
que facteur de moralisation... Or la véritable réforme doit
embrasser à la fois trois sortes d'améliorations : matérielle,
intellectuelle et morale. Le progrès matériel vient certes en
première ligne; mais il ne doit jamais mettre obstacle au
Fonds A.R.A.M