L A CRÈTE ET L E K H A L I F A T
Aux yeux du peuple turc, le petit nombre des
Jeunes-Turcs était donc moins une anomalie ou une
tare que leur nombre même : un seul Midhat-pacha
aurait eu plus de chances de mener à bien les des–
tinées de la Turquie nouvelle; depuis que les réfor–
mateurs étaient aux affaires, ce n'est pas la con–
fiance ni le dévouement de leur peuple qui leur avait
ma n q u é ; leur grand revers d'avril 1909 et tous
leurs petits déboires avaient été causés plutôt par
l'absence du chef visible, dont leur Comité
Union et
Progrès
croyait pouvoir se passer.
En face de leur peuple turc, les plus grands dan–
gers que les Jeunes-Turcs eussent encore à craindre,
c'était d'eux-mêmes, de leurs rivalités entre les per–
sonnes, de la confusion et des contradictions entre
leurs projets; la dernière crise, hélas! n'avait que
trop laissé voir leurs divisions; deux systèmes de
gouvernement jeune-turc étaient aux prises
1
,
et
l'on ne voyait pas l'homme de bon sens, d'imagi–
nation expérimentée et généreuse, qui sût trouver la
formule conciliante, l'homme de caractère, qui fût
de taille à l'imposer.
En face de leurs associés musulmans, Albanais,
Arabes, Kurdes, Druzes, le petit nombre et l'inexpé–
rience des Jeunes-Turcs et leur désir d'unification
étaient, par contre, des sources de grande faiblesse.
Bien connaître le tempérament de chacun de ces
associés; en surveiller les tendances et les récla–
mations; ne jamais demander à leur soumission
revêche plus qu'ils ne voulaient donner; user, pour
maintenir l'autorité du Sultan, du seul argument
1.
Voir plus loin le chapitre
La Macédoine et le Sultanat.
Fonds A.R.A.M