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L A MORT DE STAMROUL
de l'édifice : Auguste Comte était, à leur jugement,
le héros et le guide... Mais le peuple turc était-il
très apte à cette forme nouvelle de la concurrence
internationale? et l'Islam, surtout, était-il prêt à ne
plus chercher dans le Coran la source unique de
toute vérité? entre les fidèles du Prophète et les
fidèles d'Auguste Comte, quelle réconciliation était-
i l possible d'entrevoir ou quelle guerre sans merci?
Ces réformateurs, — et c'est encore une particu–
larité de l'éternelle Turquie, — n'étaient qu'une
poignée d'hommes : en face d'eux ou contre eux, ils
avaient toute la foule aussi bien de leur peuple turc
que de leurs associés musulmans. Mais depuis qu'il
était apparu dans le monde levantin, le peuple turc
avait toujours obéi, sans discuter, à la consigne de
quelques chefs : à travers les siècles, la consigne du
Sultan, le
yassak
avait pu changer; ce qui ne chan–
geait pas, c'était la discipline de ce peuple, toujours
prêt à suivre le drapeau, quelles que fussent les
mains qui le tinssent. Quand plusieurs champions
se disputaient la direction du Sultanat, ce bon peuple
pouvait hésiter ou, tant que la lutte n'était pas close,
se jeter sur tel ou tel des concurrents; mais quand
la querelle vidée ne laissait plus qu'un porte-dra–
peau, tous marchaient derrière et suivaient du
même pas.
Un seul homme le plus souvent avait régi du doigt
cette armée : toute la Turquie du xvn° siècle avait
été dans les Kuprulis; toute la Turquie de 1830,
en Mahmoud; toute la Turquie de 1860-1870,.en Aali
et Fuad, — comme la Turquie de 1900 était toute
en Abd-ul-Hamid.
Fonds A.R.A.M