L A CRÈTE ET L E K H A L I F A T
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do rendement plus appréciable, — l'argent; c'est à
la richesse que l'on avait mesuré la puissance d'un
État : la Turquie avait donc mis son espoir dans les
réformes économiques. L'effort de ses novateurs avait
alors trouvé son point d'appui dans les intérêts de
tous et de chacun : le Croyant, comme l'Infidèle,
court à la richesse; le désintéressement foncier du
Turc le rendait moins sensible peut-être à cet appâ t ;
mais c'était tout juste le contraire pour les Sémites
qui font le gros de l'islam ottoman. Les chemins de
fer et les entreprises du régime hamidien, qui
auraient dû être en abomination à l'Islam, n'avaient
donc rencontré que fort peu d'opposants, à peine
quelques tribus de Bédouins, que leur vie nomade
conservait plus farouches et dont le chemin de fer
sacré supprimait les moyens de vivre au long des
routes du Pèlerinage.
Aujourd'hui, les Jeunes-Turcs, disciples des offi–
ciers allemands et des intellectuels français, pen–
saient que l'armée et l'argent, tout en restant les
mesures visibles et les garanties matérielles de la
puissance nationale, n'en étaient plus la source;
l'Europe mettait dans une autre force ses espoirs de
progrès indéfini : la science était la reine du j ou r ; à
la science, l'Europe attribuait la vertu de maintenir
et d'élever les Étals. Plus séduits que nous encore
par les magies du progrès scientifique, dont leurs
yeux et leur esprit n'avaient eu que plus tard et plus
brusquement la révélation, les chefs des Jeunes-
Turcs proclamaient que la réforme inlcllectuelle de
leurs peuples était nécessaire, que toutes les autres
n'étaient qu'un acheminement d'assises vers cette
clef de voûte qui, seule, pouvait assurer la solidité
Fonds A.R.A.M