L A CRÈTE ET L E K H A L I F A T
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la loge ma çonn i que ; quelques-uns même se récla–
maient d'une proche ascendance chrétienne ou juive...
I l est vrai qu'en ce point encore, ils ne faisaient que
poursuivre la tradition de l'éternelle Turquie.
Depuis trois.cents ans, le Sultanat avait toujours
accueilli, avec les disciplines étrangères, des initia–
teurs étrangers. Jadis, la très vieille Turquie leur
avait demandé seulement de prendre la livrée du Pro–
phète; mais pourvu que ces renégats de Hongrie, de
Venise, de France, d'Allemagne ou de Pologne fus–
sent bellement en t u r banné s , elle avait accepté sans
r épugnanc e leurs conseils et leurs commandements :
aux xvn
c
et xvm
c
siècles, combien d'armées, de
flottes, de négociations, de grands et petits offices
avait-elle confiés à ces étrangers, dont un Bon-
neval-pacha fut le plus célèbre, parce que sa famille
et sa carrière avaient été les plus illustres dans la
chrétienté! Au x i x
e
siècle, l'Europe ne fournissant
plus guère de renégats et les chrétientés sujettes
n'en fournissant plus aucun, c'est d'Ottomans d'Eu–
rope à peine islamisés, d'Albanais, de Cretois, de
Nésiotes, de Stambouliotes, que la Porte avait
recruté ses ministres et ses officiers; dans les écoles
de Paris ou de Stamboul, la Vieille Turquie avait
fait éduque r ses hommes d'Etat à la française.
Les réformateurs de 1850-1870, les Aali, les Fuad,
n'étaient pas moins étrangers à leur peuple que
ceux de 1909 ; peut-être même leur éducation et
leur luxe aristocratiques, leurs manières de parfaits
mondains, leur scepticisme moral et intellectuel,
bref toutes leurs habitudes de pensée et de vie les
éloignaient davantage de la démocratique, rustique,
sérieuse et frugale Turquie.
Fonds A.R.A.M