L A CRÈTE ET L E K H A L I F A T
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le Turc avait trouvé en 1830-1840 le premier démem–
brement de son domaine, la perte de la Morée, de la
Serbie et de l'Egypte; au bout de sa réforme admi–
nistrative, en 1878-1882, i l trouvait le second démem–
brement, la perle de la Thessalie, de la Bosnie, de
la Bulgarie, de la Roumélie, de Chypre et des dis–
tricts-frontières (jue l u i arrachaient tant le Russe et
l'Autrichien que les anciens
raïas.
Cette double expérience aurait dû, semble-t-il, le
dégoûter à tout jamais de ses importations euro–
péennes. De fait, le mépris affiché des nouveautés
chrétiennes, le respect hautement, proclamé des
traditions islamiques sembla sous Abd-ul-Hamid
devenir sa règle do gouvernement : moins Sultan
que Khalife, moins turc que musulman, durant
trente années (1878-1908), c'est contre la chrétienté
qu'Abd-ul-Hamid sembla se tourner, sur l'Islam qu'il
sembla s'appuyer.
Mais plus fortes que tous les calculs et tous les
désirs, les nécessités de son étrange situation rame–
naient toujours le Grand Turc à la copie des disci–
plines chrétiennes : pour restaurer ou seulement
étayer cet empire panislamique, dont maintenant
i l rêvait, Abd-ul-Hamid, comme ses prédécesseurs
pour l'étayage de leur Empire turc, eut besoin
de la collaboration de l'Europe. I l fallait une armée :
le Khalife la demanda à des instructeurs alle–
mands. I l fallait des revenus pour solder les troupes,
des chemins de fer pour assurer les revenus et
transporter les soldats : i l les demanda à des finan–
ciers et à des ingénieurs de France, d'Allemagne, de
toute la chrétienté; même le chemin de fer sacré de
la Mecque, qu'il voulait réserver à l'entreprise des
Fonds A.R.A.M