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L A MORT DE STAMBOUL
côtes africaines de la mer Rouge, les seuls Turcs,
grâce à leurs fournisseurs d'Europe, avaient la
poudre et le mousquet; la puissance du Sultan en
ces parages ne tenait qu'aux vingt ou trente
mousquets des garnisons de Souakim et de Mass"a-
ouah.
Quand le janissaire fléchit, c'est encore aux chré–
tientés d'Europe que le Turc s'adressa pour acquérir
l'armée nouvelle, —
nizam djedid,
qui, de 1730 à
1840,
fut l'objet de tous ses soucis, le but de ce qu'il
appelait ses réformes; non pas réformes en vérité,
mais simples copies des modes chrétiennes qu'impor–
taient dans l'Islam des conseillers chrétiens ou des
renégats et que patronait ouvertement telle ou telle
des puissances chrétiennes, la France surtout; au
long du xvm
e
siècle, dans ses crises de vie ou de
mort, le Turc n'agit que par les avis, souvent môme
par les ordres du roi très chrétien.
Au milieu du x i x
c
siècle, le Turc avait fait à la
chrétienté de nouveaux emprunts : avec une armée
nouvelle, i l avait senti le besoin d'un gouvernement
nouveau; i l l u i fallait surtout des finances, par
suite une administration, qui l u i permissent de
porter son armure à la mode d'Europe. De 1840 à
1878,
i l avait donc voulu acquérir l'organisation cen–
tralisatrice et budgétaire que l'Europe, disait-on,
enviaità la France napoléonienne. Mais ces réformes
civiles, trop contraires à l'anarchie musulmane,
étaient en haine aux Croyants ; vainement la Tur–
quie des Aali et des Fuad pachas s'efforça d'imposer
à l'Islam les bienfaits et les manies de la bureau–
cratie chrétienne.
Au bout de sa réforme militaire du x vm
e
siècle,
Fonds A.R.A.M