LA CRÈTE ET L E K I I A L I F A T
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matiques et guerrières : en 1877, le Tsar victorieux,
arrivé jusqu'aux portes de Stamboul, reculait devant
le spectre de l'Islam; i l n'osait pas pénétrer dans la
ville du Khalife sur les cadavres de deux cent mille
chrétiens que le Croyant, disait-on, allait immoler
en victimes
La chrétienté fut toujours au Turc d'un bien
autre secours. C'est par les bras des chrétiens
d'abord, par les arts des chrétiens ensuite, par les
armes, les sciences militaires et pacifiques, les
conseils et l'argent de la chrétienté que le Turc a
prolongé j u s qu ' à nous sa pénible existence : dans les
affaires ottomanes, plus encore que le sentiment
islamique, les disciplines et les alliances chrétiennes
ont toujours eu le premier rôle.
Deux ou trois siècles d'abord (1430-1700 environ),
la conquête turque se fit et se maintint par les bras
mêmes de la chrétienté : le seul instrument de cette
conquête, le janissaire, était un
raïa,
enlevé tout
jeune à sa famille et à sa religion et tourné, bon
gré, mal gré, en soldat du Sultan, en fidèle du Pro–
phète. Des chrétientés
raïas,
surtout des chrétientés
balkaniques, le Turc, durant trois cents ans, tira sa
main-d'œuvre militaire : son armée régulière et sa
flotte furent presque entièrement recrutées de ces
renégats involontaires. En même temps, d'autres
renégats, volontaires ceux-là, l u i apportaient d'Eu–
rope les armes modernes : c'est par le mousquet et le
canon européens que le Turc conquit les pays arabes
et que le Sultan, en 1512, devint Khalife; deux
siècles durant, la supériorité des armes à feu livra
les villes et les provinces arabes à ses pelotons de
quelques hommes; au xv i u
e
siècle'encore, sur les
Fonds A.R.A.M