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L A MORT DE STAMBOUL
qu'elle députait au Khalife pour lui signifier sa
déchéance... Dans l'histoire levantine, cette reprise
de Constantinople sur l'Islam fut un tournant aussi
décisif que la prise même de Constantinople par les
serviteurs d'Allah : 1453-1909, entre ces deux dates
aura vécu l'empire européen du Prophète.
Pour le moment, le triomphe de la Jeune Turquie
était assuré. Mais l'étalage de force et de sévérité
qu'en mai-juin 1909 elle se croyait obligée de faire,
l'état de siège, les pendaisons, les confiscations, les
cours martiales, les bannissements, auxquels elle
devait recourir, — elle, qu i ne rêvait en août-sep–
tembre 1908 qu'embrassades et réconciliation frater–
nelle, — bref, la petite terreur, qui pesait sur Stam–
boul et sur l'Empire, montrait combien ce triomphe
était menacé et quels sursauts du sentiment isla–
mique les Jeunes-Turcs continuaient de pressentir
ou de rencontrer.
A vrai dire, — et voici la seconde particularité de
cette société ottomane, — la situation des Jeunes-
Turcs au regard des Croyants n'était pas très diffé–
rente de celle que les Vieux-Turcs, durant des siè–
cles, avaient occupée : l'Islam ne tint jamais les
Turcs, dont i l subissait la loi, que pour des bar–
bares et des usurpateurs, des amis et presque des
suppôts de l'Infidèle.
Descendu de son Asie jaune, venu à travers la
Perse de son lointain Turkestan, ce païen, jadis,
était entré sur les terres du Prophète comme mer–
cenaire du Khalife, au temps où l'Arabe, détenant
le Khalifat, avait son Saint-Siège à Bagdad. Converti
à l'Islam, le Turc n'avait d'abord formé autour du
Fonds A.R.A.M