L A CRÈTE ET L E K H A L I F A T
89
apportaient à l'application de leurs principes, allaient
à renverser ce qui avait pu survivre des anciens pri–
vilèges des Croyants ou ce que le régime hamidien en
avait péniblement restauré. Leur suffrage universel,
môme mitigé de dénis de justice et de violences,
soumettait le pouvoir du Khalife, la règle du
Chéri,
au contrôle des
raïas
qui, presque partout, faisaient
la majorité, sinon des électeurs, au moins des
votants. Au bout du compte, leur régime parlemen–
taire livrerait la gérance du Khalifat aux élus des
«
Nations du Livre », aux « délégués des juifs et
des francs-maçons » : car les seuls
raïas,
disaient les
Croyants, avaient l'âme de fausseté et la bouche de
ruse, qui donnent la victoire en ces luttes sournoises.
Le 13 avril 1909, la Jeune Turquie tombait sous la
réprobation de l'Islam, aussi facilement qu'Abd-ul-
Hamid avait succombé neuf mois auparavant. Et
les Croyants revenaient au Khalife comme au seul
défenseur efficace, au seul gardien sincère du
Chéri;
en signe de victoire, ils se remettaient à massacrer
l'Arménien...
Douze jours plus tard (25 avril 1909), par le dévou–
aient de son armée de Macédoine, la Jeune Turquie
reparaissait en maîtresse. Mais cette fois elle s'impo–
sait de vive force à la révolte des consciences isla–
miques : disparu, pour jamais disparu, l'enthou–
siasme populaire qui l'avait accueillie six mois aupa–
ravant! Elle reconquérait Stamboul moins par ses
propres armes que par le secours des
raïas,
des
Macédoniens et des Arméniens, ses alliés, dont elle
songeait même à employer les bombes contre la for–
teresse d'Abd-ul-Ilamid, contre le palais khalifal;
avec deux musulmans, c'est un chrétien et un j u i f
Fonds A.R.A.M