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LA MORT DE STAMBOUL
Bosnie-Herzégovine l u i avaient coulé des doigts. A
ce coup de partie néanmoins, les Jeunes-Turcs
allaient avoir à donner la preuve de leur sincérité
dans la foi, de leur aptitude à défendre les droits
dont ils avaient revendiqué la tutelle : s'ils parve–
naient à maintenir le
stalu quo
en Bulgarie et en
Bosnie-Herzégovine, l'Islam continuerait d'admettre
la légitimité de leur révolution; s'ils ne savaient,
comme les lâches de l'ancien régime, que courber
le dos sous la bastonnade de la chrétienté, à quoi
bon leur attentat contre le pouvoir sacré de ce
Khalife, dont ils reprenaient les errements politiques
sans en pratiquer les religieuses vertus?
Après quatre mois de déclarations belliqueuses
(
octobre 1908-février-1909j, les Jeunes-Turcs, aussi
démunis de troupes et d'argent qu'autrefois Abd-ul-
Hamid, étaient obligés, comme l u i jadis, de subir
les conditions de l'Infidèle ; d'octobre en février, ils
avaient j u r é de ne céder ni un pouce de la terre
bosniaque ni l'une des stipulations de la sujétion
bulgaro-rouméliote ; en février-mars 1909, leurs
accords austro-turc et turco-bulgarc vendaient,
argent comptant, ces deux morceaux du Khalifat. A
l'intérieur môme de l'empire, ils n'accordaient encore
aux
giaours
ni le Bagdad ni le Danube-Adriatique;
mais leur grand vizir, Kiamil-pacha, renouait les
marchandages avec les financiers.
Et ces concessions aux ennemis du dehors étaient
moindres encore que les concessions aux ennemis
du dedans! Tout le système gouvernemental des
Jeunes-Turcs, à peine mis en branle, semblait à
l'Islam une infernale machine. Leurs européennes
conceptions du droit, malgré les correctifs qu'ils
Fonds A.R.A.M