L A CRÈTE ET L E K H A L I F A T
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de la terre musulmane, sacrifié aux
raïas
les droits
de la communau t é musulmane.
Pourtant le souvenir des services rendus par ce
pieux Khalife entourait encore sa personne d'un tel
prestige que les Jeunes-Turcs n'osaient ni le sup–
primer ni même le détrôner, — disaient-ils : ils
devaient oublier leurs justes haines contre celui qui,
trente années, avait été leur bourreau, trahir les
promesses solennelles qu'ils avaient faites aux chré–
tiens du dedans c l du dehors, leurs confidents ou
leurs auxiliaires, refouler même leur conviction,
puisée dans leurs lectures de l'histoire occidentale,
que l'on ne saurait faire de vraie révolution sans
une tète de roi... L'Islam leuravait concédé la chule
du régime hamidien; ils concédaient à l'Islam,
disaient-ils, le maintien d'Abd-ul-Hamid : le Khalife
restait intangible, malgré les crimes du Sultan.
Deux mois durant (août-septembre 1908), la poli–
tique des Jeunes-Turcs contenta pleinement le senti–
ment islamique. Leur seule arrivée aux affaires
semblait avoir, comme par miracle, déjoué les pièges
et réprimé les ambitions de l'Infidèle : Russes et
Autrichiens, Anglais et Français abandonnaient à
l'envi leurs entreprises et leurs réformes en Macé–
doine; toutes les chrétientés du dehors et du dedans
rivalisaient de cajoleries envers ce Khalife qu'elles
traitaient naguè r e si malhonnêtement.
Ce fut un court répit. Dès le début d'octobre 1908,
l'annexion de la Bosnie-Herzégovine et l'indépen–
dance de la Bulgarie éteignaient soudain les explo–
sions de la joie populaire. A ce double coup, l'Islam
ne perdait.
l
en vérité que l'ombre de deux proies
anciennes : depuis trente ans, la Bulgarie et la
Fonds A.R.A.M