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LA MORT DE STAMBOUL
quie d'Europe les revendications de la Grande Idée,
voulait se préparer des compensations. Plus rapi–
dement encore, la Macédoine échappait, sinon au
drapeau du Khalife, du moins à l'exploitation des
Fidèles : cinq années de patientes réformes (1903-
1908),
sous le contrôle des agents de l'Europe, finis–
saient par conquérir la libération civile des
raïas.
L'Islam se tourna vers le Khalife. Que faisait-il,
Lu i , l'Ombre d'Allah sur la Terre, le Chef de la Guerre
Sainte, le Commandeur et le Pè r e des Croyants?
Perdu dans l'écheveau de ses amitiés, assurances et
contre-assurances, promettant aux Autrichiens, aux
Russes, aux Français, aux Italiens, aux Anglais, aux
Bulgares, aux Grecs, à tous les chrétiens, leurs
chemins de fer ou leurs réformes signant aux Alle–
mands le firman définitif du Bagdad (mai-juin 1898),
Abd-ul-Hamid, en Europe et en Asie, dans tout
l'empire, laissait triompher les appétits et les prin–
cipes de l'Infidèle : que ce programme économique
et politique fût exécuté, c'était la ruine de l'Islam,
en Europe... A la surprise de la chrétienté, le coup
d'Élat de j u i l l e t 1908 renversait alors l'absolutisme
hamidien.
Le complot de quelques officiers ne rencontrait
pas la moindre résistance; une poignée de Jeunes-
Turcs faisaient une complète révolution : c'est qu'ils
avaient la collaboration efficace ou la complicité
muette de tout l'islam ottoman. Abd-ul-Hamid le
Khalife pieux, Abd-ul-Hamid le Khalife victorieux,
le
Ghazi
était abandonné de tous, parce qu'il avait
méconnu le
Chéri,
vendu aux Infidèles les entrées
1.
J'ai exposé cette crise de 1908 dans mon livre
La Révolution
turque,
Paris, Armand Colin, 1909.
Fonds A.R.A.M