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L A MORT D E STAMBOUL
musulmane, le sentiment islamique, à mesure que
l'offensive d'autrefois dut faire place à une défensive
en retraite, devint un ardent désir de conserver du
moins ce que la faveur divine avait assigné en dota–
tion à ses Fidèles. Maintenir les frontières de l'Islam
contre les convoitises du dehors, maintenir les privi–
lèges de l'Islam contre les révoltes du dedans devint
la double forme du service d'Allah et, faute de
revanche contre les chrétientés européennes, la
Guerre Sainte s'exerça d'abord en représailles contre
les chrétientés
raïas.
Puis, la retraite ottomane tourna à la d é r ou t e ;
l'Europe entama sans arrêt les frontières du Kha–
lifat, en même temps qu'elle exigeait des garanties
toujours accrues pour les sujets chrétiens du Kha–
life : alors le Croyant chercha le repos dans la rési–
gnation aux incompréhensibles décrets de la des–
t i né e ; durant le xix' siècle, surtout de 1820 à 1897,
des massacres de Chio aux massacres d'Arménie, i l
sembla que celte résignation à la déchéance finale
devenait le refuge de tous les Fidèles... Ce fut
l'œuvre, la grande œuvre d'Abd-ul-Hamid de relever
brusquement leur courage, de leur rendre confiance
en l'avenir.
L'année 1897 fut le début d'une ère nouvelle : la
revanche commençait contre les chrétiens du dehors
et contre ceux du dedans; les massacres d'Arménie
rappelaient aux
raïas
leur condition véritable; la
guerre de Thessalie ramenait la victoire sous le
drapeau du P r oph è t e ; pour la première fois depuis
cent cinquante ans, une campagne glorieuse resti–
tuait au Khalife un morceau, un tout petit fragment
de son ancien domaine. Les espoirs des Croyants
Fonds A.R.A.M