LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
71
tinua à jouir d'un bien-être sans exemple dans son passé.
Cependant le Divan supportait avec impatience le con–
trôle européen dont l'arménien gouverneur était à ses
yeux le vivant témoignage. Il cherchait l'occasion de ren–
dre Son pouvoir précaire, comme si le précaire n'était
point pour la souveraineté musulmane le pire ennemi. Ces
dispositions entretenaient en Syrie le mauvais vouloir des
autorités auxquelles il était devenu impossible d'ôter de
l'esprit qu'en minant le gouvernement chrétien, elles se–
condaient les vues de la Sublime Porte.
La guerre sourde ainsi engagée produisit insensiblement
son effet. Les mécontents s'enhardirent et, vers lafinde
l'année 1866, ils tentèrent de s'insurger sous la conduite
du chef d'une des anciennes familles du pays. Poursuivi
par la gendarmerie de Daoud-pacha, le prétendant dut
passer l'hiver sur les sommets glacés du Liban, et là, dans
le dénûment le plus complet, il demanda la protection des
consuls généraux de Beyrouth, qui le firent passer à
l'étranger.
Sur ces entrefaites la Porte dut se préoccuper d'une
nouvelle prolongation des pouvoirs du gouverneur chré–
tien. Mais Daoud, découragé par les intrigues qui avaient
ligué tous les partis contre lui, donna brusquement sa dé–
mission et se rendit à Constantinople avant même d'avoir
reçu l'autorisation de quitter la Syrie.
Malgré ses solides qualités d'administrateur, Daoud-
pacha avait vu faiblir son prestige pendant les dernières
années de son gouvernement. Ce n'était pas, à vrai dire,
un mince mérite que devoir longtemps fait respecter l'au–
torité dans un pays encore barbare où chacun poursuit
sans relâche la prise de possession du bien d'autrui. On
Fonds A.R.A.M