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LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
le recrutement. Que de gouverneurs doivent à l'impôt du
sang une fortune scandaleuse !
Les arriérés de contributions connus sous le nom collec–
tif de
Bekayas
sont abandonnés sans raison sur une sim–
ple décision de l'autorité du vilayet ou recouvrés jusqu'à
deux ou trois fois.
Les douanes, le tabac, le sel et autres revenus indirects
donnent lieu à des fraudes qui diffèrent dans la forme, mais
qui organisées et tolérées partout, sont également désas–
treuses pour le trésor (1).
Sans doute, pour établir un mode de perception des im–
pôts qui sauvegarde les intérêts de l'État et ceux des con–
tribuables, l'administration manque de fonctionnaires inté–
gres et expérimentés. Mais ne pourrait-on, du moins à titre
de palliatif ou de précaution transitoire, déléguer dans les
provinces un certain nombre d'inspecteurs d'élite qui, mu–
nis de pouvoirs extraordinaires, auraient à réprimer les
actes délictueux de tous les intermédiaires du fisc ? C'était
le conseil que donnait le gouvernement français, en atten–
dant que l'éducation et les mœurs publiques permissent de
renoncer définitivement à un système condamné par la
pratique des pays civilisés.
Quanta l'assiette même de l'impôt, il peut paraître diffi–
cile, si non impossible de changer brusquement celle qu'un
usage plusieurs fois séculaire a maintenue pour la culture ;
la dîme en elle-même repose sur un principe équitable et
(1)
Il est telle douane de l'empire dont le directeur accorde par
abonnement au commerce des réductions sur les droits d'entrée et
de sortie. Dans telle autre, un simple estimateur, appointé sur le
pied de 2,000 piastres par mois, a pu se retirer au bout de dix ans
d'exercice avec une fortune de 50,000 livres turques.
Fonds A.R.A.M