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LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
hélas ! s'exprimer au présent en l'abordant dans ses dé–
tails, car elle se présente aujourd'hui sous le même aspect
et avec le même caractère aigu qu'à l'époque de ce ré–
cit (1).
La Turquie est riche en cultures de toute espèce ; mais
celles-ci sont forcément restreintes au voisinage des côtes
et des centres populeux et elles s'étendraient progressive–
ment à l'intérieur si, entre autres facilités, l'amélioration
des voies de communication leur ouvrait de nouveaux dé–
bouchés. Tel semble le premier besoin à satisfaire au
double point de vue économique et simplement administra–
tif (2).
(1)
Les archives de la Porte abondent, sur ce sujet, en rapports
spéciaux rédigés à des époques différentes, et parmi ces documents
il en est plusieurs d'une portée générale qui font le plus grand hon–
neur à la sagacité et à la franchise de leurs auteurs : MM. Foster,
Tricou, Hobart, Mercet et Harisson.
(2)
L'une des conditions essentielles de tout organisme gouverne–
mental consiste dans la faculté du pouvoir central de correspondre
d'une manière régulière et suivie avec les autorités diverses qu'il
délègue auprès des populations. En se reportant à un demi-siècle en
arrière, et même à une époque moins reculée, on se représente aisé–
ment les difficultés matérielles qui paralysaient l'initiative d'une
administration préposée à un empire aussi vaste que la Turquie et
aussi dépourvu de voies artificielles de communication. Les ordres
émanés du Divan ne pouvaient avoir la promptitude ni la simulta–
néité qu'exige toute mesure d'intérêt général, et les agents auxquels
ils s'adressaient, échappaient, pour la plupart, à ce contrôle immé–
diat, incessant, qui aurait été la plus sûre garantie de leur soumis–
sion et de leur ponctualité.
L'on remarque, en effet, que la gestion des gouverneurs provinciaux
était d'autant plus personnelle et arbitraire que leur circonscription
se trouvait moins rapprochée de la capitale, et c'est surtout grâce à
leur isolement qu'autrefois certains pachas ont réussi à se créer une
sorte d'indépendance locale qui a tenu en échec la souveraineté des
Sultans. C'est ainsi que le pacha de Trébizonde en 1771, Mahmoud
pacha de Scutari en 1773, Ali pacha de Janina et Ahmet pacha de
Fonds A.R.A.M