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LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
Cet événement fut généralement considéré comme plus
funeste à l'empire que la perte d'une province; il enlevait
à Ali-pacha la moitié de sa force. Les deux ministres se
complétaient l'un l'autre. Fuad avait l'énergie et l'esprit
entreprenant qui manquaient à son éminent collègue. Il
était plus libre de préjugés et plus fertile en ressources.
Tout ce qui s'était fait d'utile depuis la guerre de Crimée
avait porté l'empreinte de cette intelligence d'élite, et la
réforme perdait en lui son champion le plus résolu.
Lui trouverait-on parmi les jeunes fonctionnaires élevés
à son école un successeur digne de lui? L'on prononçait le
nom de Midhat-pacha comme celui du personnage que le
parti libéral avait mis le plus en vue. Midhat s'était imposé
à l'attention publique par sa fermeté et par ses aptitudes
administratives à partir de l'époque où il avait été chargé
d'appliquer en Bulgarie la première loi sur les Vilayets.
Depuis qu'il présidait le conseil d'Etat, l'on avait remar–
qué son activité fiévreuse et il n'était pas de jour où son
imagination féconde ne le portât à quelque innovation dans
le cercle déjà plus étendu de son initiative officielle. L'on
disait bien qu'il n'avait pas reçu cette éducation qui donne
les idées générales, qu'il n'aurait jamais la portée, ne pos–
sédant pas les connaissances de Fuad-pacha. Mais c'était
un homme nouveau et l'on pouvait supposer que les cir–
constances ne lui avaient pas encore permis de donner sa
mesure.
L'on devait créer un ministère de l'intérieur en dédou–
blant les attributions qui constituaient jusqu'alors la fonc–
tion vizirielle et il avait été question de remettre à Midhat-
pacha la direction du nouveau département. L'intrigue fit
échouer cette combinaison tout indiquée et non-seulement
Fonds A.R.A.M