L A T U R Q U I E E TL ET A N Z I M A T ,
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Abdul-Aziz comprit sans doute que les résistances ne lui
seraient point épargnées, s'il donnait suite à son projet, Le
Hatti-Cherif qu'il méditait, en suscitant des prétendants,
eût peut-être déchaîné la guerre civile dans le camp isla–
mique et comme l'État était alors en pleine crise de ré–
formes, ses ennemis n'auraient rien pu lui souhaiter de pire.
L'on sut gré à Abdul-Aziz d'un renoncement qui avait
toute l'apparence d'un détachement de cœur et par consé–
quent d'un sacrifice personnel à l'intérêt public. Sa sagesse
cependant n'était pas aussi méritoire qu'on se l'imaginait;
elle avait fait germer un ancien levain de haine contre
celui qui en était le véritable inspirateur et dont le palais
supportait impatiemment l'autorité. Fuad-pacha avait déjà
indisposé son maître à l'époque de son voyage en Europe,
par les directions journalières qu'il croyait devoir lui donner
dans ce milieu nouveau. Après l'affaire de la succession, il
sentit tout le poids d'une aversion longtemps contenue.
Abdul-Aziz eut pour lui des procédés durs et agressifs qui
l'émurent profondément. Quoiqu'il n'y ait aucun rappro–
chement à établir entre Louis XIY et le souverain rude et
inculte qui régnait sur les rives du Bosphore, Fuad-pacha,
déjà atteint au cœur, sentit son affection grandir sous l'ac–
tion du mal dont mourut Racine. Il avait toujours cherché
au palais, sans l'obtenir, cette bienveillance qu'il possédait
lui-même, qu'il savait gagner dans ses rapports avec ses
collaborateurs et dont le charme n'avait pas été sans in–
fluence sur la diplomatie pendant les vingt dernières
années.
Remplacé à titre intérimaire par Safvet-pacha, il partit
au mois d'octobre de l'année 1868 pour Naples, où il mou–
rut quelques mois après.
Fonds A.R.A.M