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LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
de ses familiers, il s'était adressé directement à l'empereur
Napoléon III pour qu'il lui désignât un gouverneur de son
choix. Ce bruit, que je recueille ici comme l'indice des
tendances du jour, prit plus de consistance lorsque l'on sut
que le Sultan avait résolu de ménager sa succession à son
fils aîné.
L'on n'ignore pas qu'en Turquie le trône devenu vacant
appartient aji plus âgé des membres de la famille impériale
et que les enfants du souverain régnant peuvent ainsi en
être exclus. Abdul-Aziz lui-même avait hérité du pouvoir
après son frère Abdul-Medjid, au lieu de Mourad, fils de
ce dernier. Cette loi, qui date de la mort d'Achmet I
er
,
et
qui a surtout pour but de préserver l'Etat des inconvé–
nients des minorités et des régences, s'explique aussi par
la nature mixte de la dignité souveraine. Le Sultan n'est pas
seulement prince temporel, il est en même temps pontife
suprême et il serait aussi difficile pour les musulmans de
reconnaître un Padischah mineur, que pour les catholiques
d'obéir et de croire à un Pape enfant.
En Egypte, l'ordre de primogéniture masculine a pu
être établi sans blesser la tradition, le khédive n'exerçant
pas l'autorité religieuse.
Déjà Mustapha III avait voulu réserver le trône à son fils
au détriment de son propre frère, Abdul-Hamid. Mais à sa
mort Selim III n'avait que 14 ans et il eut fallu instituer
une régence, c'est-à-dire s'exposer, comme sous Moham–
med IV, par exemple, à toutes les incertitudes d'un gou–
vernement que repoussait le sentiment national (1).
(
i) Sous Mohammed IV, le dernier Sultan mineur, le grand vizi-
rat avait changé quatorze fois de mains.
Fonds A.R.A.M