LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
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choses, l'on put remarquer chez les ministres diri–
geants une sorte d'hésitation instinctive qui contrastait
avec leur zèle antérieur. Gomme pour donner raison, eux
aussi, au diplomate incrédule, qui avait assumé, à leurs
yeux, le rôle d'un trouble-féte, ils semblèrent voir avec
quelque inquiétude un corps mixte appelé indirectement
à légiférer pour tout l'empire et à se substituer ainsi dans
une certaine mesure au pouvoir suprême purement musul–
man. Aussi ne fut-il procédé qu'avec une sage lenteur à la
révision qui devait donner au conseil d'État plus d'homo–
généité intellectuelle.
Midhat-pacha avait été mis à la tête du
Chourd-i-devlet;
il avait la réputation d'un homme éclairé et partisan sin–
cère des réformes. Il était même à certains égards d'un li–
béralisme dont on aurait pu craindre les écarts sans le
contrepoids de ses collègues musulmans. Parviendrait-il
par sa droiture et par son énergie à convaincre ses ti–
mides collaborateurs que la liberté de discussion et de ju-
.
gement n'est pas exclusive du respect dû à l'autorité?
L'utilité pratique du nouveau conseil était à ce prix, car
en pays d'Orient, nul ne l'ignore, le dévouement s'exprime
par toutes les formes de l'admiration ou de la servilité ou
tout au moins par le silence (1),
L'on a sans doute remarqué par l'analyse qui rend
(1)
Plusieurs institutions d'ordre secondaire, qui témoignent de
l'esprit ouvert de Midhat-pacha, datent de l'époque des premières
délibérations du conseil d'État. Je citerai l'école des arts-et-métiers,
l'orphelinat de Constantinople, la casse d'épargne et le mont-de-
piété. Je note également les lois sur le système métrique, sur les
mines, sur le recensement cadastral, qui furent d'ailleurs négligées
ou tardivement appliquées.
V. Nicolaidès, III, 176, 257.
Fonds A.R.A.M