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LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
à établir l'uniformité politique et administrative de toutes .
les parties de l'Empire, en engendra une autre d'une por–
tée plus vaste et qui laissait bien loin derrière elle l'idée
slave et l'idée latine ou germanique. L'on rêva à Constan-
tinople l'unité islamique, c'est-à-dire, l'association de tous
les peuples mulsulmans sous l'autorité suprême du calife
représenté par le chef temporel des ottomans.
Cette étrange conception, qui eut dans la presse locale
un organe attitré,fitbientôt école sans que toutefois on en
comprit exactement la signification. Avait-elle pour but
l'unification religieuse des diverses sociétés musulmanes?
Dans ce cas n'était-ce point folie que de prétendre fusion–
ner les innombrables sectes qui partagent le monde maho-
métan? Pour ne parler que de la Turquie et en négligeant
les Chiites, ces irréconciliables ennemis des Sunnites (1),
n'y rencontre-t-on par les Hanéfites, les Chafites, les
Malékites, les Hambélites (2) qui entretiennent entre eux
les mêmes antipathies que certaines confessions chrétiennes
juxtaposées dans l'Empire? Quel pouvoir serait capable,
après douze siècles de tradition, de leur imposer une même
interprétation du Coran et des Hadis ?
Et si l'unité islamique voulait dire la reconnaissance
par tous les sectateurs de l'Islam de l'autorité temporelle
du prince des ottomans, par quels moyens serait-elle réa-
(1)
La séparation des Chiites ou sectaires des Sunnites ou ortho–
doxes, c'est-à-dire des hommes de la tradition, constitue le principal
schisme mahométan.
(2)
Ces quatre sectes entièrement d'accord sur le dogme, se sépa–
rent sur la lithurgie. Les ottomans appartiennent au rite Hanéflte. La *
plus grande partie des arabes d'Egypte sont Chafites. Les algériens,
les tripolitains et les tunisiens sont Maléchites. Les disciples du Ilam-
bélisme sont éparpillés.
Fonds A.R.A.M