LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
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surrection Cretoise, armer le Monténégro, circonvenir la
Servie, favoriser en Roumanie l'organisation des bandes
bulgares, jeter le trouble en Anatolie par les émigrations
des Tcherkess, susciter des conflits entre la Perse et l'État
voisin, préparer en un mot une coalition qui devait en–
velopper la Turquie depuis la frontière de la Grèce jus–
qu'au golfe Persique.
Une accalmie s'était produite après la solution du diffé–
rend crétois. Mais il ne pouvait y avoir dans l'offensive
russe en Orient que des relâches, des trêves conseilées
par la prudence ou par de judicieux calculs. La politique
initiale devait tôt ou tard être ramenée dans le courant
historique et aller à son but. Les embarras de tous genres
qu'elle suscitera bientôt à la Turquie, seront les préludes
de la guerre de 1877.
Le gouvernement anglais, lui aussi, paraissait encou–
rager les Turcs dans leurs velléités autoritaires. Moralement
atteint par l'affaiblissement matériel de la France, il avait
baissé pavillon devant la Russie et ainsi entraîné dans la
voie des renoncements, il affectait de considérer le Sultan
comme tacitement émancipé. Le Divan trouvait le
Foreign-
Office
empressé à lui donner toutes les satisfactions de
détail qu'il réclamait et les gouverneurs de province bra–
vaient impunément les consuls britanniques. Le belligé–
rant de 1855, le défenseur persévérant du
Tanzimât
cédait
partout et sur tout.
L'Autriche-Hongrie restait dans l'expectative.
Il n'est pas étonnant que la Porte, inopinément rendue
à elle-même, se soit exaltée dans le sentiment d'une auto–
nomie intérieure dont elle avait presque perdu l'habitude.
La chimère d'une centralisation gouvernementale destinée
Fonds A.R.A.M