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LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
devait disparaître de l'arsenal diplomatique. U avait à cette
fin plus d'une ressource dans l'attaque comme dans la dé–
fense. L'orthodoxie avait été de longue date le plus puissant
auxiliaire de sa propagande et c'était au nom d'une foi com–
mune que depuis le traité de Kulchuk-Kainardji, le Czar
ralliait autour de lui la majeure partie des chrétiens otto–
mans. L'autocratie impériale s'étant vue privée de son pa–
tronage exclusif et la croix n'ayant plus entre ses mains
son ancien prestige, elle se saisit d'un symbole nouveau en
adoptant résolument le principe
national
et en se donnant
comme la régénératrice d'une "grande race oubliée. La
«
gnose slave » surgit et trouva bientôt dans les contrées
balkaniques de nombreux adhérents (1).
C'est sous ce second masque, malgré les éclipses inter–
mittentes du spectre panslaviste, que continua l'obsession
russe dans la période qui nous occupe. Et ce n'était pas
sa dernière figure, car plus tard l'empire orthodoxe devait
poursuivre ses desseins au nom de l'humanité (2).
Déjà avant la guerre occidentale de.1871, l'on voit la
Russie applaudir à la complicité des Grecs dans l'in-
(1)
Jusqu'alors la Russie n'avait pas tiré parti de la communauté
de race qui unit ses peuples aux autres slaves européens. En 1786 et
en 1807, elle abandonnait à l'Autriche les Slaves de Bosnie. En 1849,
elle repoussait les Galiciens qui lui demandaient « qu'on leur ouvrit
les portes de leur patrie. »
(2)
L'emrereur Alexandre disait à M. Nigra, le 10 décembre 1876,
à propos des insurrections chrétiennes : Ce n'est pas une question de
slavisme, c'est une question d'humanité.
Et dans la Conférence de Constantinople de la même année, le dé–
légué russe, comme s'il commentait la parole de son souverain, dé–
clarait avec une certaine solennité : Le gouvernement impérial espère
que les représentants chrétiens ne perdront pas de vue la grave res–
ponsabilité qui pèse sur eux devant l'histoire et devant l'humanité.
(
VII
e
compte-rendu de la Conf. de Constantinople).
Fonds A.R.A.M