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LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
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gnit successivement le conseil d'État, la haute Cour de
justice et les autres corps administratifs sans respect pour
les droits acquis et pour la garantie légale de l'inamovibilité.
Les fonctionnaires chrétiens se virent écartés sommairement
sans qu'on les remplaçât par des coreligionnaires. Le mot
d'ordre fut donné aux gouverneurs et la chasse aux infi–
dèles gagna les provinces jusqu'à la plus infime bourgade.
L'on peut s'imaginer la désorganisation qui suivit cette
sorte de persécution générale, si l'on songe que dans cette
période de la réforme maintes institutions du passé res–
taient encore debout à côté des nouvelles et que plus d'un
service public était en voie de transformation. Dans l'ad–
ministration des tribunaux notamment les lois et les juri–
dictions encore mal définies créaient des conflits journaliers
et la confusion était au comble.
En tout autre pays des troubles du caractère le plus
grave eussent été la conséquence inévitable d'une situation
aussi violente entretenue par les gouvernants eux-mêmes.
A Constantinople, pas plus qu'en province, aucune émotion
extérieure ne trahit l'agitation des esprits. La résignation
des musulmans, la soumission craintive des chrétiens lais–
sèrent partout la main libre à la réaction du pouvoir qui
avait décidément adopté pour devise le « farà da se » de
l'Italie affranchie.
La Porte sous le coup des événements qui venaient
d'ébranler l'Europe, semblait prise du même vertige qu'a–
près la guerre de Crimée (1). Alors les victoires de la
France avaient exalté le vieil orgueil musulman ; cette fois
c'étaient ses défaites.
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m.
Fonds A.R.A.M