LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
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possible par elle-même et démentît de son mieux le ver–
dict d'insuffisance qui avait été prononcé contre elle en
1867 (1).
En cela, malgré ses méfiances, il se rapprochait
de la
Jeune Turquie
dont la doctrine se résumait dans cette
double pensée : guerre aux étrangers, relèvement de l'Em–
pire par ses propres forces.
Au milieu de la tourmente, qui concentrait alors l'atten–
tion universelle au cœur de l'Europe, l'on n'a guère remar–
qué en Occident cet éveil passager du sentiment national
musulman et cette tendance à l'homogénéité intérieure
qui, si chimérique qu'elle paraisse, a semblé un moment
unir peuple et gouvernement dans une commune aspira–
tion. Aussi peut-il être utile de ressaisir cette double dis–
position des esprits dont les manifestations concordantes
forment d'ailleurs un épisode intéressant du
Tanzimât.
La « loi de gravitation » destinée à resserrer le faisceau
de la puissance des Sultans, devait atteindre tout d'abord
l'Egypte, pays de l'Islam qui figurait en première ligne
parmi les États impériaux.
Lorsqu'en 1866, Ismaïl-pacha vint à Constantinople
pour solliciter un changement dans l'ordre de succession
au trône égyptien, il savait sans doute que Fuad-pacha,
alors grand-vizir, était absolument contraire à cette pré–
tention, ainsi que la plupart de ses collègues. Il fallut
qu'Abdul Aziz éloignât ces opposants pour accorder au
descendant de Méhémet Ali avec le titre de
khédive
(2),
(1)
I, 255-256.
(2)
La dénomination de khédive est une des dix ou douze qualifi–
cations attribuées au grand-vizir et à laquelle avaient droit sous l'an–
cien régime tous les gouverneurs des grands pachaliks.
Le titre de prince que prennent les parents l'approchés du khédive,
n'existe ni en turc, ni en a r a b e ; il est d'invention européenne.
Fonds A.R.A.M