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LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
do troupes régulières de vingt mille hommes. Enlin, l'au–
torité suprême si mal représentée sur quelques points du
territoire, avait pris au centre et conservait une force incon–
nue dans les temps antérieurs; elle était plus obéie et
comme corrélatif naturel, les conseils de l'étranger la trou–
vaient moins docile.
En province, il est vrai, la prospérité matérielle des
campagnes ne répondait point à la vitalité relative du gou–
vernement ; là il y avait toujours incurie et profonde igno–
rance des principes élémentaires qui régissent la produc–
tion et les échanges. Mais, à tout considérer, la Turquie
reprenait quelque vigueur et le pouvoir central donnait un
démenti aux déclamateurs qui depuis des années annon–
çaient la dissolution de l'Empire.
Le prince de Metternich, lui, jugeait sans doute que celte
sorte de convalescence, tout insignifiante qu'elle lui parut
encore au point de vue européen, justifiait ses vues person–
nelles sur la réforme, car il écrivait au baron de Neuman
en mai 1843: « la politique du jour en Turquie porte la
marque d'une réaction contre ce qui s'était paré du titre
pompeux de progrès vers la civilisation ; ce soi-disant pro–
grès a détruit ce qui restait des institutions de l'ancien
Etat turc, sans y avoir rien substitué qui ait la valeur de
matériaux propres à la construction d'un nouvel édifice
politique et social. »
Il n'en est pas moins vrai qu'à l'époque où le
chancelier d'Autriche taxait le Tanzimât de conception
stérile et même funeste, Abdul-Medjid contresignait à
nouveau l'acte solennel de 1839, en autorisant Riza-
pacha au début de son ministère, à prononcer l'allocution
suivante devant le clergé grec, arménien et israélite de
Fonds A.R.A.M