LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
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que le délabrement et la désorganisation de l'Empire ren–
daient indispensables. Des firmans de circonstance promul–
gués à l'occasion de cérémonies religieuses y faisaient
allusion, comme pour réveiller la confiance dans les cœurs
troublés ; mais les projets restaient à l'état de projets. Tout
allait comme auparavant, pire qu'auparavant.
Ce n'était pas que Mahmoud fut incapable et indifférent
au bien. I l sentait le besoin de réformes; i l appréciait la
supériorité des Européens ; mais ses idées ne s'élevaient
que par moments; i l n'en concevait pas de générales. I l
restait turc avec le désir de ne plus l'être. I l avait comme
homme de progrès, des velléités plutôt que des volontés et
quoique méfiant comme les esprits médiocres, i l était le
plus souvent trompé par les intrigants qui jouissaient de ses
faveurs.
D'ailleurs des difficultés particulières compliquaient
singulièrement ses moindres entreprises ; il n'avait pas la
ressource dont usa si largement le grand chef d'empire
qu'il voulait imiter. Pierre I
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avait eu simplement à diriger
dans la voie de la civilisation chrétienne un peuple attardé
et i l avait pu faire librement appel aux étrangers pour diri–
ger ses armées et son administration. Mahmoud rencontrait
pour ainsi dire à chaque pas d'insurmontables préjugés re–
ligieux et nationaux qui lui interdisaient l'emploi de spé–
cialités tirées du dehors, soit pour améliorer, soit pour
gérer les services de l'État.
En cherchant autour de lui des coopérateurs réellement
capables et expérimentés, on n'en trouvait aucun. Pris in–
dividuellement, les gens bien intentionnés, honorables
même et patriotes se rencontraient en grand nombre; mais
s'il fallait agir, l'ignorance était chez eux la même que
Fonds A.R.A.M