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LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
victoire semblait lui assigner. Voulant imiter Pierre le
Grand qui, afin de familiariser son peuple avec la civilisa–
tion occidentale, avait proscrit les ustiges asiatiques, Mah–
moud s'était pris d'un goût particulier pour les apparences
extérieures, marquant par ses actes journaliers tout le prix
qu'il y attachait.
Il avait brusquement rompuavec les habitudes graves qui
constituent en Turquie plus qu'ailleurs la véritable dignité
du souverain, en modifiant l'ancienne étiquette, en chan–
geant d'allures, de manières et de costume. Les ministres
et les Ulémas au conseil pouvaient s'asseoir devant lui.
Depuis la journée du 15 juin, i l ne sortait plus que vêtu à
l'égyptienne; il portait la barbe courte et gourmandait sévè–
rement les hauts fonctionnaires qui restaient fidèles à la
coupe primitive (1). Les Rayas toutefois (ces exceptions sont
caractéristiques) devaient garder leurs vêtements distinctifs
et s'abstenir sous peine d'amende ou de prison d'employer
certaines étoffes réservées aux musulmans (2). I l était
expressément interdit aux Arméniens d'abandonner leur
coiffure nationale.
On aurait pu supposer que Mahmoud dans son zèle pour
de pareilles minuties, poursuivait, comme Pierre le Grand,
tout un système politique dont les diverses parties étaient
étroitement liées entre elles. La suite de son règne ne jus–
tifie pas cette opinion qui avait trouvé crédit à l'étranger
et que l'on se plaisait à répandre autour de lui.
Ses préoccupations étaient essentiellement personnelles,
(1)
Le grand vizir fut un moment en disgrâce pour s'être refusé
à se servir d'une selle à l'européenne.
(2)
Au bain les Rayas ne pouvaient avoir de sabots et ils devaient
employer du linge de moindre qualité que celui des musulmans.
Fonds A.R.A.M