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LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
craindre, si l'on ne se hâtait de remplacer ce qu'on avait
détruit, qu'il ne précipitât la ruine d'un corps politique
marqué depuis longtemps du sceau de la décadence.
La confusion régnait dans les esprits et l'administration
offrait le spectacle d'un véritable chaos. Le ministre de la
guerre et l'intendant-général qui devaient pourvoir au plus
pressé, c'est-à-dire, à la reconstitution de l'armée, dé–
ployaient dans la sphère de leurs attributions respectives
plus d'activité que de connaissances pratiques ; ils étaient
à la recherche de tout ce qui pouvait les éclairer et deman–
daient partout des livres et des modèles.
Les nouvelles troupes, disciplinées et vêtues à l'euro–
péenne, continuaient leurs exercices sous les yeux d'une
population que la terreur avait un moment affolée et qui,
à la vue de quelques bataillons évoluant avec ensemble,
se laissait aller à quelque enthousiasme pour le Sultan réfor–
mateur.
Dans ces courts élans d'exaltation patriotique (ce détail
doit être noté) l'on entendait souvent prononcer le nom des
Russes, objets constants de l'animosité musulmane et même
celui des Anglais que l'on accusait de complicité dans l'in–
surrection de la presqu'île moraïque.
La fièvre des illusions ne devait pas durer ; à l'excitation
factice des spectacles militaires succéda bientôt un senti–
ment de malaise, résultat de l'indécision, des tâtonnements,
des résolutions incohérentes de l'aUtoritè. Puis le mécon–
tentement s'accusa de plus en plus et devint assez menaçant
pour que la Porte dût se décider à suspendre l'exécution
de quelques-uns de ses projets.
L'on pariait d'un vaste ensemble de réformes qui eom-
pfentiraielt la religion, le gouvernement, l'armée, la jus-
Fonds A.R.A.M