LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
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pour asseoir un système de perceptions directes, le gou–
vernement, après de vains essais, en était revenu aux fer–
miers généraux. Des adjudicatious sans contrôle et sans
garanties se faisaient aux chefs-lieux des provinces et les
concessionnaires prélevaient les impôts à leurs risques
et périls. Tous s'enrichissaient, excepté l'État.
Les douanes de Constantinople et d'Asie, sauf celles de
Beyrout, étaient entre les mains d'une riche maison armé–
nienne que Reschid-pacha couvrait, disait-on, d'une protec–
tion particulière pour en avoir reçu, à titre de prêt person–
nel, des avances considérables. Or l'on se répétait dans le
public que le représentant de cette maison avait demandé
sur nouveau bail une réduction de douze millions de
piastres, qu'un concurrent avait offert au contraire une
augmentation de deux mille bourses par an et que néan–
moins l'Arménien l'aurait emporté. Vraie ou imaginaire,
cette accusation mérite d'être recueillie comme l'indice
d'un état financier déplorable.
Le désordre arrivé à son comble avait porté ses fruits:
l'armée n'était pas payée et témoignait de son méconten–
tement par l'indiscipline, voire même par la désertion. On
eut à prévenir par des mesures énergiques la débandade
des troupes envoyées contre les rebelles du Kurdistan.
Le brigandage, produit direct des misères locales, infes–
tait les principales provinces européennes et concourait à
l'anxiété générale.
De son côté, l'administration centrale voyait s'éva–
nouir peu à peu le prestige qui l'entourait dans les an–
nées précédentes; elle perdait, avec la considération, toute
force de réaction utile et quand on réclamait son inter–
vention contre certains abus criants, le Divan s'excusait
Fonds A.R.A.M