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Le Procès de Tehlirian
Le président:
Combien de temps y avez-vous passé?
L'accusé:
Toute une année, peut-être un peu plus.
Le président:
Où êtes-vous allé ensuite?
L'accusé:
La nouvelle se répandit qu'Erzingian avait été conquis par les
Russes et j ' a i voulu revenir à la maison pour rechercher mes parents
et mes proches. De plus, je savais de façon précise qu'à la maison il y
avait cachée une somme d'argent importante et je voulais aller la
chercher. Mon patron ne voulait pas me laisser partir.
Le président:
Quand êtes-vous revenu à Erzingian?
L'accusé:
Fin 1916.
Le président:
Qu'avez-vous trouvé là?
L'accusé:
En arrivant, je trouvai toutes les portes de la maison détruites et
une partie de la maison complètement démolie. En franchissant le
seuil, je tombai à la renverse.
Le président:
Évanoui?
L'accusé:
Oui, j ' a i perdu connaissance.
Le président:
Est-ce que cet état a duré longtemps?
L'accusé:
Je ne saurais le dire.
Le président:
Mais vous avez repris ensuite vos esprits, qu'avez-vous fait?
L'accusé:
Lorsque je revins à moi, je me suis rendu dans deux familles armé–
niennes qui avaient embrassé l'islamisme. Elles étaient les seules
dans toute la ville qui fussent sauvées.
Le président:
De toute la population arménienne d'Erzingian vous n'avez
donc retrouvé que deux familles ? Elles étaient devenues musulmanes
mais redevinrent-elles arméniennes, quand les Russes prirent Erzin–
gian? C'était bien tout ce qui restait de la population arménienne
d'Erzingian !
L'accusé:
Oui, deux familles en tout et des rescapés par-ci par-là, en tout vingt
personnes, peut-être. Mais comme familles, deux seulement.
Le président:
Avez-vous encore trouvé quelque chose dans la maison pater–
nelle?
L'accusé:
J'ai trouvé toutes sortes d'objets; le reste avait été détruit
ou emporté. Mais il y avait encore l'argent enfoui dans la terre.
Le président:
Cela, vous le teniez de vos parents?
Fonds A.R.A.M