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Le Procès de Tehlirian
L'accusé:
Oui, la populace turque d'Erzingian.
Le président:
Elle y était aussi et avait pris part au massacre?
L'accusé:
Je sais seulement que, lorsque les gendarmes commencèrent à
massacrer, la population était là.
Le président:
Donc, après un ou deux jours vous êtes revenu à vous et vous
avez remarqué que le cadavre de votre frère était étendu sur vous,
mais vous n'avez pas constaté que les cadavres de vos parents étaient
également là.
L'accusé:
J'ai vu le cadavre de mon frère jeté sur moi.
Le procureur général:
Je crois que c'était le frère cadet qui avait eu le crâne
fendu d'un coup de hache?
Le président:
Est-ce que c'était le cadavre de votre frère cadet?
L'accusé:
Non, celui de mon frère aîné.
Le président:
Mais était-ce avant que vous ayez vu que votre frère cadet avait
eu le crâne fendu d'un coup de hache?
L'accusé:
Oui.
Le président:
Depuis ce jour, avez-vous revu vos parents?
L'accusé:
Non.
Le président:
Ni vos frères et sœurs?
L'accusé:
Non, non plus.
Le président:
Ils ont donc complètement disparu?
L'accusé:
Jusqu'à maintenant je n'ai retrouvé aucune trace.
Le président:
Vous étiez donc complètement abandonné et sans ressources.
Qu'avez-vous fait?
L'accusé:
Je suis allé dans un village de montagne. Il y avait là une vieille
femme qui m'a hébergé. Lorsque mes blessures furent cicatrisées, on
me dit qu'on ne pouvait pas me garder plus longtemps, car le gouver–
nement l'avait interdit; ceux qui gardaient chez eux des Arméniens
étaient passibles de la peine de mort.
Le président:
Sont-ce des compatriotes qui vous ont hébergé?
L'accusé:
Des Kurdes.
Le président:
Où êtes-vous allé ensuite?
Fonds A.R.A.M