Introduction
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Le réquisitoire
Le procureur soutint la même thèse et, en soulignant la préméditation,
demanda la peine capitale pour Tehlirian.
Cependant, il fit remarquer que l'exposé du Dr. Lepsius, pour intéressant
et minutieux qu'il ait été, avait quand même une lacune:
«
A mon avis, dit-il, il est trop systématique et montre ces événements sous un
aspect trop rationnel; c'est à cette systématisation que l'on voit que son rap–
port n'est pas fondé sur des expériences vécues mais sur des rapports ulté–
rieurs. C'est pour cela, ajouta-t-il, que je crois avoir le droit d'accorder une
plus grande valeur aux raisons de l'autre expert M . le général von Sanders, qui
a été à l'époque sur les lieux et qui connaît très exactement les événements.»
La défense
La défense fut à la hauteur de ces débats. L'intervention de deux des plus
célèbres membres du barreau de Berlin et du plus grand juriste d'Allemagne
était déjà un événement sensationnel. I l avait suscité une telle curiosité que la
plupart des avocats qui se trouvaient au palais avaient délaissé leurs affaires et
étaient accourus pour entendre plaider les trois défenseurs. Président, juges,
jurés, l'auditoire, même les huissiers et les policiers, les écoutèrent religieuse–
ment quatre heures de suite.
Le Dr. Gordon fit le récit des massacres arméniens, en montrant la culpa–
bilité indéniable de Talaat, prouvée par les originaux des télégrammes, signés
de lui, et le verdict de la cour martiale de Constantinople par lequel il avait été
^ . ^çondamné à la peine capitale :
«
Le simple fait, dit-il, qu'en peu de mois sur un total de 1 million huit cent
mille personnes, 1 400 000 (nombre incontesté) aient été déportées et que sur
ce total i l y ait eu encore un million de tués, que les convois de ces malheureux
en provenance de différentes régions aient été dirigés sur les mêmes centres
sans qu'on se soit soucié en aucun endroit de leur protection, ces simples faits
suffisent... Réfléchissez vous-mêmes, je vous prie: cela pouvait-il se produire
sans que d'en haut on le dirigeât systématiquement ?
Le gouvernement turc
fut-il vraiment faible au point qu'il n'ait rien pu entreprendre là contre? Si
oui, affirmez-le! Mo i , je n'affirmerai pas pareille chose!»
...
Le Dr. Werthauer développa le même sujet en donnant l'explication de
cQ^art. 51 du code pénaL)Il dit notamment qu'aux yeux du monde civilisé l'Alle–
magne était considérée comme le complice des Turcs massacreurs et
qu'un acte de justice était indispensable pour démontrer que les Alliés des
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