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Le Procès de Tehlirian
le défenseur, le Dr. von Gordon, et le général von Sanders et orienter les
débats au sujet de la culpabilité de Talaat :
Von Gordon:
«
Son Excellence le général von Sanders a jeté le trouble dans nos âmes.
En effet, il a affirmé que ce n'était pas Talaat Pacha qui portait la responsabi–
lité de ces faits monstrueux mais les subordonnés qui avaient à exécuter
l'ordre de déportation. Cette affirmation est en contradiction avec l'opinion
générale des Arméniens et notamment aussi avec la conviction du Dr. Lep-
sius. Je voudrais poser au témoin encore une question: n'a-t-on pas chez les
Arméniens la conviction absolue que c'est Talaat Pacha en personne qui porte
la responsabilité de ces massacres?
Le témoin:
Ce n'est pas seulement l'opinion générale, c'est aussi la vérité...
Voyant l'effet produit par ces dépositions,Qe procureur demanda-de ne
plus admettre ces témoignages, en disant que le procès n'était pas politique et
que lui-même pouvait affirmer que Tehlirian, avant d'avoir abattu Talaat
Pacha, était convaincu qu'il tuait le plus grand responsable des massacres de
ses compatriotes. Le président déclara à son tour que les jurés aussi devaient
avoir leur conviction faite à ce sujet.
Malgré les protestations du Dr. von Gordon, le tribunal décida de ne plus
convoquer les autres témoins qui devaient être entendus le lendemain. Et, du
terrain politique où il s'était engagé, le procès se trouva porté sur le terrain
purement juridique.
La cour avait à statuer sur la question suivante :
«
L'étudiant arménien, Soghomon Tehlirian est-il coupable d'avoir tué avec
préméditation le 15 mars 1921, dans Hardenbergstrasse, l'ex-grand Vizir
Talaat P a c h a . » !
Audition des experts médicaux
La parole fut ensuite donnée aux experts médicaux. Ils étaient cinq en
tout, dont deux cités par la défense. Tous ces experts avaient conclu que Tehli–
rian était sujet à des crises d'épilepsie et que son système nerveux se trouvait
gravement perturbé du fait des horreurs qu'il avait vécues et des scènes hallu–
cinantes, comme celles de l'extermination de toute sa famille, dont il avait été
témoin.
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...
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Les médecins cités par la défense plaidèrent l'irresponsabilité complète,
au sens de l'art. 51 du code pénal. Mais les trois autres, tout en admettant
l'état épileptique du prévenu et le choc survenu dans son système nerveux,
conclurent qu'au moment de l'attentat il ne devait pas être sous l'influence de
son état morbide; par conséquent, il était responsable de son acte.
Fonds A.R.A.M