Introduction
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Les faits
Un jeune étudiant arménien, Soghomon Tehlirian, dont toute la famille
avait péri dans les massacres, jure de venger ses parents et son peuple. Il vient
à Berlin où s'était réfugié Talaat après l'effondrement de la Turquie. Lorsque
le 15 mars 1921 l'occasion se présente, il le tue d'un coup de pistolet. Appré–
hendé et quelque peu malmené par la foule, il est traduit le 2 juin devant la
juridiction criminelle. Vingt-quatre heures plus tard, il est acquitté et sort de
prison couvert de fleurs et escorté par la police.
Les documents
La Société d'éditions allemandes pour la politique et l'histoire a publié le
compte rendu sténographique in-extenso de ce procès. C'est toute l'histoire de
la politique et de la guerre en Orient qui est passée en revue dans ces 127 pages,
en même temps qu'apparaît dans toute son atroce vérité le génocide arménien.
Les dépositions nombreuses qui furent faites témoignaient de l'ampleur
des massacres et de la culpabilité de Talaat Pacha, organisateur et ordonna–
teur de ces massacres. On avait en main les originaux des télégrammes envoyés
par Talaat ordonnant l'extermination des Arméniens.! Les avocats de Tehli-
rian, dont deux des plus notoires membres du barreau de Berlin, le Dr von
Gordon et le Dr Werthauer, et le troisième, un éminent juriste d'Allemagne, le
professeur Niemeyer de l'Université de Kiel, avant de se servir de ces docu–
ments et de les présenter au tribunal, s'étaient assurés de leur authenticité; Ils
s'étaient adressés à un fonctionnaire du ministère des affaires étrangères, W.
Rôssler, qui avait été consul d'Allemagne à Alep pendant toute la durée de la
guerre et, de ce fait, avait été témoin oculaire des atrocités commises contre les
Arméniens. M. Rôssler répondit par un long rapport qui concluait à l'authen–
ticité des documents ('): «Les documents publiés, comparés à la marche des
«
événements (écrivait-il), paraissent offrir une absolue vraisemblance.
«
Beaucoup de faits que j ' a i moi-même connus ont été décrits sans la moindre
«
erreur ; d'autres faits que je ne connaissais pas m'ont éclairé sur la raison des
«
événements que j'avais moi-même observés sans en comprendre le sens».
Mais, étant fonctionnaire, avant d'envoyer son rapport, W. Rôssler s'était vu
obligé de solliciter le consentement de son ministre. Celui-ci donna son autori–
sation à condition que le rapport, destiné à l'édification des avocats, restât
strictement confidentiel et qu'on n'en fît pas état devant le tribunal. En même
temps, le ministre, voulant éviter toute immixtion officielle dans le procès,
(')
Voir dans la partie Documents complémentaires le 2
e
paragraphe de la lettre du consul
Rôssler, page 226.
Fonds A.R.A.M