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plongée dans la plus affreuse des sauvageries. Chaque vallée,
chaque petit district possède sa tribu kurde indépendante,
souvent en guerre avec ses voisines. Toutes sont plus ou moins
émancipées de l'autorité turque ou persane et beaucoup n'ont
jamais été soumises; à tel point que les fonctionnaires du
Chah ou du Sultan ne s'aventurent presque jamais dans ce
dédale de montagnes, de rochers, de forêts, de précipices et
de ravins profonds où les Kurdes, loin des bruits de ce monde,
certains de l'impunité de leurs méfaits, vivent sur eux-mêmes
du produit de leur brigandage, conservent les instincts féroces
de leurs ancêtres les Carduques et repoussent toute ingérence
des étrangers dans leurs affaires, que les intrus soient ou non
leurs coreligionnaires. On comprend sans peine l'enthousiasme
avec lequel furent accueillis dans ces montagnes les ordres
sanguinaires d'Abdul-Hamid et des Jeunes Turcs; ce fut un
effrayant réveil de la barbarie, un délire de meurtre et de
pillage, de sadisme.
Le Kurdistan
C'est, en effet, dans cette vaste région que se trouve le
turc.
cœur du Kurdistan; que les tribus, dont le Chéref nâmeh (')
nous a gardé les annales, ont conservé dans toute l'âpreté de
leurs excès les mœurs anciennes. Ces clans débordent large–
ment sur le territoire iranien, vers Moukri, Serdecht et Sineh,
dans le pays d'Avroman ; mais ils occupent principalement le
Taurus arménien et les montagnes d'où descendent les deux
Zab, le Zâb-âla ou supérieur (
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),
et le Zâb-el-asfal ou infé–
rieur ('). Ce pays est l'un des grands réservoirs où le Gouver–
nement ottoman puise ses fameux Hamidiyehs, célèbres par
les horreurs qu'ils commettent journellement contre les Chré–
tiens.
L'Arménie
Vers l'occident, dans les vallées des deux Euphrate, les
occidentale.
Arméniens se sont étendus avec plus de force que vers le sud.
Là, dans ces districts traversés jadis par leurs pères, lors de
leur marche vers l'Ararat, ils ont fondé un grand nombre de
colonies florissantes, tant dans les campagnes que dans les
bourgades et les villes. I I suffira de citer les arménistans
d'Erzindjan surl'Euphrate oriental et de Kharpout, sur l'Arsa-
nias, pour donner une idée juste de la puissance d'expansion
de la race arménienne. Les établissements sporadiques qui
relient l'Arménie Majeure à l'Arméno-Cilicie sont très nom–
breux et forment une sorte d'archipel entre Erzeroum et les
montagnes de PAmanus. Partout, sur ce long trajet, ces chré–
tiens ont fondé des villages en plein pays musulman, aménagé
le sol, en dépit du voisinage si dangereux des Kurdes, des
Turcs et des Circassiens. La plupart des affluents de l'Euphrate
(
i ) ( X Trad. Désiré CHAMROY (Saint-
(2)
Zabas major.
Pétersboury).
(3)
Zabas minor.
I : H À P .
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Fonds A.R.A.M