23
cette position spéciale de l'Arménie qu'il faut rechercher l'ori–
gine de ce patriotisme ardent qui fait battre le cœur de tout
Arménien. C'est également là que résident les causes du main–
tien, pendant des siècles, du royaume de l'Ourartou, tandis
que tous les grands États de l'Orient étaient, tour à tour,
tombés sous les coups d'Assour. On verra, dans le cours de
cette histoire, la nation arménienne constamment lutter pour
la conservation de son domaine, de ses libertés, de ses traditions
et de son culte et toujours être attaquée sur les quatre points
cardinaux de ses frontières, parce que le destin l'avait placée
dans la position stratégique la plus importante de toute l'Asie.
Au cours des grandes guerres des Romains et des Byzantins
contre les Perses, les hostilités débutèrent presque toujours en
Arménie où, si le grand effort de l'Empire se tournait vers
Ktésiphon, les armées arméniennes, combattant aux côtés des
légions, menaçaient au nord le Roi des rois, afin de le
contraindre à diviser ses forces. La prise d'Erzeroum par les
Russes en
1878
et, dernièrement encore, n'a-t-elle pas été
considérée comme un coup fatal porté à la Turquie? C'est
donc dans la position particulière de la patrie arménienne
qu'il faut chercher, non seulement les causes des principales
phases de l'histoire de ce vaillant peuple, mais aussi, pour
une bonne part, celles du développement de ses caractères
physiques et moraux.
Bien que le domaine arménien eût beaucoup varié, suivant
L'Arménie
les époques, i l semble n'avoir jamais dépassé, vers le sud,
m é r i d i o n a l {
sauf à l'époque de Tigrane le Grand, la rive gauche du Tigre
comprise entre Diarbékir et Djéziret-ibn-Omar ; et dans le
Taurus arménien, les Arméniens semblent être en minorité,
par rapport à l'élément kurde. D'ailleurs, le vaste massif mon–
tagneux du Djoudi-dagh. situé au sud du lac de Van, est à
peine exploré au point de vue géographique. C'est tout
a u
plus si de rares voyageurs ont relevé la direction générale
des
c o i n s
d
'
e au
principaux qui
e n
descendent. Deux grandes
rivières, affluents du Tigre, prennent leur source dans ces
montagnes : le Bohtân-lchaï, qui reçoit le torrent de Bitlis, et
le Khabour, qui sort des hauteurs de la frontière persane, vers
la latitude de Dilman. Entre ces deux rivières, les cartes
demeurent muettes; c'est que
ce
massif est habité par les
tribus les plus inhospitalières de
ces
régions, par ces fameux
Kurdes massacreurs qui-, déchaînés contre les Arméniens, en
ces
dernières années,
se
sont abattus sur Bitlis, Van etMouch,
sur les campagnes voisines, semant dans les villages et dans
les villes la mort et la dévastation.
Toute la région montagneuse de la rive gauche du Tigre,
depuis Diarbékir jusqu'aux alentours de Bagdad, est encore
'
t'.ir'î'. I
Fonds A.R.A.M