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Comme toujours i l en advient pour le patrimoine des peuples
qui depuis de longs siècles sont privés de leur indépendance
politique, l'Arménie ne possède pas aujourd'hui de frontières
précises, aussi bien dans ses districts soumis à l'autorité du
Tsar, qu'en territoire persan ou osmanli. Tillis, l'ancienne
capitale des rois du Karthli ('), renferme, de nos jours, de
nombreuses familles arméniennes, de même Bakou, Batoum,
Trébizonde, etc. Dans l'antiquité, comme au Moyen Age, aux
diverses époques de l'indépendance arménienne les frontières
de la Grande et de la Petite Arménie furent on ne peut plus
variables ; cependant, en ce qui regarde les régions transcau–
casiennes, on doit considérer les montagnes situées au sud de
la Kourah comme faisant partie du domaine des Arméniens et
conserver à la vallée dn Cyrus (
2
)
sa nationalité géorgienne.
Quelques années seulement se sont écoulées depuis le temps
où, se rendant de Tiflis (») à Erivan (
+
),
le voyageur traversait,
dans sa partie la plus élevée et la plus pittoresque, le massif
du Petit Caucase. Après avoir quitté la capitale du Karthli, i l
suivait d'abord, en le descendant sur sa rive droite, le cours
du Cyrus; puis, quittant le fleuve géorgien au confluent de
PAkstafa-tchaï, i l remontait la vallée de ce torrent jusqu'au
village de Délidjan, pénétrant ainsi dans les districts septen–
trionaux de l'Arménie. Là, au col situé près de ce dernier
village, i l abandonnait le bassin de la Kourah pour entrer
dans celui de l'Araxe, et, longeant le rivage du grand lac
transcaucasien (>), i l atteignait Yélénovka, petit village russe
où commence la descente vers Erivan, par la vallée du Zenghi-
tchaï (
6
),
rivière qui déverse dans l'Araxe le trop-plein du lac.
Ce voyage, d'Akslafa vers Erivan qui, jadis, se faisait en
voiture, se déroulait suivant l'un des trajets les plus charmants
qu'il soit donné d'effectuer dans les montagnes si pittoresques
du Petit Caucase. La route, aujourd'hui bien délaissée, ser–
pente eu milieu d'une nature sauvage dont les aspects varient
à l'infini. Tantôt elle gravit des pentes ombragées de forêts,
tantôt elle se glisse parmi les rochers dénudés, rampe au pied
de falaises basaltiques, de coulées de laves multicolores, de
scories boursouflées ou de bancs d'obsidienne noire, veinée de
rouge, et le verre de volcan étincelle aux rayons du soleil.
Ailleurs elle s'enfonce dans des gorges profondes, d'aspect
sévère, égayées seulement par les eaux bouillonnantes d'in–
nombrables torrents et, çà et là, collé comme un nid d'aigle au
flanc de la montagne, paraît un village aux maisons d'argile,
aux terrasses de terre battue, habité par d'hospitaliers culti-
i) Nom indigène de la Géorgie.
(5)
Gheuk-tcliaï des Turcs, Goktchades
2
|
Nom antique de la R. Kourah.
Russe3, Sévan des Arméniens. Alt.
(3)
Alt. &5o meurs.
i.g3o mètres.
(4)
Alt. 8ôo metrrs.
(6)
H . Zançjui des Arméniens.
C H . V P .
I
Fonds A.R.A.M