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vateurs, pour la plupart des Arméniens. En dehors de cette
route, de cette « chaussée », comme on dit en Russie, les
communications entre villages ne se font que par des sentiers
muletiers, tout comme aux temps du Moyen Age et de la
haute antiquité.
Bheuk-tchaï ^
e
^
a c
Sévanga ('), l'un des plus vastes et des plus beaux de
ou sévanga. l'Ancien Monde, dont les eaux douces, azurées, sont toujours
limpides, s'étend sur une longueur de
70
kilomètres environ,
alors que sa plus grande largeur est de 3o.ooo pas. Un cirque
de montagnes verdoyantes l'entoure, le domine de plus de
1
.000
mètres sur tout son pourtour, l'alimente par mille ruis–
seaux, arrosant de nombreux villages bâtis sur ses bords, et
les habitants riverains du Sévanga vivent de leurs cultures et
quelque peu de la pêche, car le Gheuk-tchaï est très profond et
fort poissonneux : ses belles truites sont réputées.
Au cours de la saison d'été, les pays du Sévanga sont d'une
délicieuse fraîcheur, la nature s'y montre généreuse et riante ;
mais, dès que sévissent les froidures, dès que les feuilles des
arbres sont emportées par le vent du nord, ces campagnes,
situées à
2.000
mètres au-dessus du niveau des mers, se cou–
vrent d'un épais linceul de neige, la glace immobilise les eaux
de cette mer d'eau douce, et le paysan ne s'aventure plus en
dehors de son village, les troupeaux se retirent sous terre, et
autour de chacune des maisons se dressent, sous la neige, les
tas de bois, d'argols, de paille, nécessaires pour passer les
temps des frimas. C'est la mort pendant quatre ou cinq mois
de 1 année. Tout disparaît sous le grand voile blanc, et l'on
ne distingue plus l'emplacement du village que par des
fumées légères qui semblent sortir des entrailles glacées de la
terre.
Alors que le trajet de Tiflis à Erivan se faisait encore par la
route, quand la chance voulait que le voyageur, arrivant de
Tchoubouqlou et d'Yélénovka, atteignît le village d'Akhta
quelques instants avant le lever de l'aurore, le spectacle
grandiose de l'embrasement de l'Ararat s'offrait à ses regards
étonnés, et laissait dans son âme l'ineffaçable souvenir du
plus merveilleux spectacle auquel i l soit donné d'assister.
Mais cette route admirable est aujourd'hui délaissée, depuis
qu'un prosaïque chemin de fer relie la capitale de la Géorgie
au chef-lieu de l'Azerbaïdjan, en passant par Alexandropol et
Erivan. Le progrès a traversé ces montagnes enchanteresses,
et le voyageur ne voit plus le Sévanga, n assiste plus au lever
du soleil sur le mont Ararat, de même qu'il ne contemple plus
les gorges effrayantes du Dariall (*) et les glaciers du Kazbek,
(
i )
Lac de Sévan, plus anciennement
(2)
La porte des Alains de l'antiquité,
nommé lac de Gégham.
CHAP.
1
Fonds A.R.A.M